Vésale. Anatomiste de la renaissance                            

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour page titre                                                                     

André VÉSALE
1514-1564
Anatomiste et médecin flamand

 

André Vésale est issu d'une famille rhéno-flamande. Allemand d'origine, Belge de naissance, Espagnol de nationalité, Français puis Italien d'adoption. Arrière petit-fils du médecin de Frédéric II, petit-fils d'un professeur à l'Université de Bruxelles et du médecin et astrologue de Maximilien d'Autriche. Il est le fils d'Andréas Vésale, apothicaire de Charles Quint et de Marguerite d'Autriche.

Il est né près de Bruxelles le 31 décembre 1514. La maison familiale est située à proximité du lieu où se déroulent les exécutions.
Le regard sans doute détaché de toute sensibilité le petit André fait là ses premières observations sur le subtil agencement de la peau, des muscles, des viscères et des os.
Enfant, il dessine toutes sortes d'animaux qui lui tombent sous la main.
Adolescent il corrige les épreuves d'une édition de Galien en grec et en latin.

Vésale commence ses études à l'université de Louvain. A dix-huit ans sous le règne de François Ier il se rend à Montpellier puis à Paris où il reçoit l'enseignement de Jacques Dubois dit Sylvius ainsi que du florentin Guido Guidi dit Vidius, alors Professeur au Collège de France. Vésale préfère étudier les os de sa propre initiative en fréquentant assidûment les cimetières. C'est en tant que "contestataire" de ses précurseurs qu'il sera d'abord connu, décrié, voire insulté (Sylvius, son ancien professeur, fut un de ses adversaires les plus acharnés, le traitera d' "arriviste" lorsque paraîtra la "Fabrica"), puis finalement honoré.

Après trois ans d'études à Paris, la guerre entre François Ier et Charles-Quint le contraint à quitter Paris. Il rejoint l'armée de l'empereur d'Allemagne. Puis soutient sa thèse de doctorat à Louvain en 1537.

Attiré par l'Italie du Nord où il espère trouver un climat plus compréhensif, il devient docteur de l'université de Padoue la même année et est nommé lecteur en chirurgie et anatomie. Il inaugure cette charge par une démonstration anatomique sur le cadavre d'un jeune homme de 18 ans. Il dissèque aussi bien des corps humains que des corps d'animaux.

DATES DE L'HISTOIRE DE LA CIRCULATION
EN ÉGYPTE
:
"Métou": "Si tu examines un gonflement des vaisseaux sur la peau d'un membre et que son aspect augmente, devient sinueux et serpentiforme … alors tu diras le concernant : c'est un gonflement des vaisseaux …" (Papyrus d'EBERS ( v 1550 avant J.C.)
EN GRÈCE
:
Deux sortes de sang ( artériel et veineux ) s'écoulent sans se mélanger, distribués depuis le foie et le cœur.
- pour HIPPOCRATE 460-375 av J.C.: "un fleuve qui arrose tout l'intérieur du corps" . "Quand les fleuves sont à sec, l'homme est mort "
- pour GALIEN 130-200 ap JC: Les artères transportent "l'esprit vital". Le cœur reste au centre du système, il siège dans l'âme, et n'est jamais conçu comme ayant un rôle moteur.
Ce schéma restera le dogme et fera autorité pendant 15 siecles !
EN PAYS D'ISLAM
:
- IBN AL-NAFIS
1210-1288, réfute le dogme galénique sur la communication interventriculaire et décrit clairement le concept de la circulation pulmonaire:
" Quand le sang a été raffiné dans cette cavité ( ventricule droit ), il lui faut passer dans la cavité gauche, où se forme l'esprit vital. Cependant il n'existe, entre ces deux cavités, aucun passage. A ce niveau la substance du cœur est particulièrement solide et il n'existe ni passage visible... ni passage invisible pouvant permettre le transit de ce sang, comme l'a cru Galien. Bien au contraire la substance est épaisse et il n'y a pas de pores perméables . Donc ce sang, après avoir été raffiné, doit nécessairement passer dans la veine artérieuse, aller ainsi jusqu'au poumon ... s'y mélanger avec l'air... puis passer dans l'artère veineuse pour arriver dans la cavité gauche du cœur ..."
Par malheur l’œuvre de ce génial précurseur ne fut révélée en Europe que 260 ans après sa mort, par la traduction en latin, en 1547, faite par le médecin italien Andrea Alpago de Belluno qui avait séjourné à Damas.

EN EUROPE:
- André VESALE 1514-1564
(voir ci-contre)
- Michel SERVET 1509-1553, en 1553 dans son ouvrage “Christianismi Restitutio" un passage décrit la petite circulation:"le sang noir se transforme en sang rouge au niveau des poumons grâce à une circulation du sang." Emule de Galien il nie également le passage direct du sang entre les deux ventricules. Il affirme pourtant que l'aération du sang devait s'effectuer dans les poumons. Le cœur est trop petit pour permettre le mélange air-sang. Il est le premier européen à affirmer la circulation pulmonaire .
- Realdo COLOMBO 1516-1559, publie le "De Re Anatomica" à Venise en 1558 . Il reprend la thèse de Servet avec des arguments expérimentaux ( vivisection ).
- Andrea CESALPINO 1519-1603, parle le premier de "circulation" (1559) et de mouvement perpétuel. Il attribue au cœur une action essentielle ( et non au foie).Il entrevoit l’idée d’une grande circulation.
- Fabrice D'ACQUAPENDENTE 1537-1619, dans "De Venarum Ostiolis" il décrit minutieusement les valvules veineuses qu'il étudie depuis 1574 (déjà observées par Carpi et surtout Canani dès 1547).
- William HARVEY 1578-1657, en 1628 Harvey publie à Francfort "Exercitatio Anatomica de Motu Cordis et Sanguinis in animalibus" Il donne un compte rendu précis des différentes étapes de la circulation. Il en fait la démonstratiopn expérimentale (ligatures), pharmacologique et physique (pressions différentes dans les deux circulations).

Au sortir de la longue nuit moyenâgeuse où la tradition de l'Église toute puissante, comme la tradition coranique interdisait formellement la dissection d'un corps humain, on ne peut s'étonner que les connaissances anatomiques aient peu progressé depuis Galien qui avait du se contenter des cadavres de divers animaux, de singes en particuliers, et qu'une certaine similitude avec l'homme conduit à une extrapolation rapide et néfaste.
En 1230 une ordonnance de Frédéric II n'autorisait pourtant l'exercice de la médecine qu'après une année d'étude de l'anatomie avec dissection... Louis d'Anjou en 1375 permettra l'obtention d'un sujet par an, puis le Collège des Chirurgiens de Paris aura droit à quatre cadavres dans l'année, mais après des formalités telles que Rondelet au XVI e siècle, un ami de Rabelais, disséquera, dit-on, son propre fils. La première dissection licite en France datait déjà de 1478 mais Vésale devait de nuit, en cachette, aller décrocher les cadavres des suppliciés du gibet de Louvain.

Malgré l'accord des Papes Sixte IV, puis Clément VII, l'Inquisition continua de faire peser et payer sa réprobation. Grotius, au XVIIe siècle, surnommé "le père du Droit des gens" parlait encore de "Profanations Sacrilèges et cruautés inutiles exercées par les vivants sur les morts".
Pourtant dès la fin du XVe siècle, certains princes éclairés commencèrent à appuyer les anatomistes et Fallope, disciple et successeur de Vésale, fut même autorisé à mettre à mort les condamnés, de la manière qui lui conviendrait le mieux, pour les "anatomiser" dans un second temps.

Il entreprit en effet de réviser, corriger ou réfuter les affirmations de Galien, considérées comme définitives depuis un millénaire. Cette audace fera de lui non le maître incontesté de l'anatomie, car il commit à son tour bien des erreurs, mais le chercheur dont l'intuition, la méthode, l'ambition toute au service de la vérité scientifique, le courage, conduiront ses successeurs à repenser, reconstruire les bases de l'anatomie, et arriver peu à peu à sa vérité définitive.

Il note tout ce que l'observation personnelle lui permet de découvrir, il fait graver six planches sur feuilles volantes les "Tabulae anatomicae sex"qui seront plagiées dès leur impression à Venise en 1538.

Dès 1539, il commence à obtenir un approvisionnement régulier en corps: le juge Marcantonio met à sa disposition les cadavres de criminels exécutés et va même jusqu'à retarder les exécutions des condamnés à mort en fonction des besoins de son ami. Il réalise ainsi des dissections publiques qui obtiennent un aussi grand succès que les exécutions. Il emmène par ailleurs les étudiants parfaire leur formation au chevet des malades et les incite à la rédaction de fiches individuelles. Ce travail permet à Vésale de démontrer clairement que les descriptions anatomiques réalisées par Galien correspondaient aux corps de singe et non d'homme.

Vésale occupe quelques temps une chaire à Pise, Bologne, Pavie, à la demande de Cosme Ier de Médicis qui lui propose "autant de cadavres qu'il voudra".

À partir de ses propres dissections de cadavres humains, il publie à Bâle en 1543, sous la direction de son ami Johan Oporinus, un impressionnant traité d'anatomie, "De Humani Corporis Fabrica" (7 vol.), pour lequel Vésale attache autant d'importance au texte qu'à l'iconographie dont il fit graver soigneusement les planches à Venise par le Titien et son élève Jean van Calcar.
- En 1543, dans la première édition, Vésale n'ose pas contredire Galien, il admet que le sang "…s'infiltrait abondamment au travers du septum, du ventricule droit vers le gauche…" , les veines amènent le sang à tous les organes et les artères distribuent l'esprit vital, la structure du cœur est remarquablement décrite.
- En 1555, il en publie une deuxième édition légèrement corrigée dans laquelle à propos de la circulation sanguine il décrit la circulation d'une façon semblable à celle d'Ibn Al-Nafis: il s'interroge:"…Je ne vois toujours pas comment la quantité de sang la plus infime pourrait être transfusée à travers la substance du septum, du ventricule droit vers le gauche…"
Cet ouvrage, le plus exact et le plus complet de l'époque, provoqua des débats passionnés, il fut un sujet d'admiration et de scandale, car tout y était merveilleusement décrit, mais, pour la première fois, on osait décrire le corps humain tel qu'il est et non tel que l'avait faussement décrit Galien, ce qui conduisit son auteur à la gloire. Ces fameuses planches, "empruntées" selon l'usage du temps, ont servi à illustrer de nombreux ouvrages en Angleterre, en Allemagne et en France.
Sa rédaction procède de l'expérimentation préconisée par Vésale et d'une esthétique du corps humain telle qu'elle avait pu être dévoilée par Léonard de Vinci, Raphaël ou Michel-Ange, tous passionnés de précisions anatomiques. Il met en évidence bientôt des discordances entre Galien, référence universelle à cette époque en matière d'anatomie, et ce que lui-même observe chaque jour.

Depuis l'Antiquité, la reproduction du nu était frappé d'interdit. Mais la Renaissance va révéler l'esthétique et la vérité du corps humain, lui redonner sa valeur et sa place dans l'œuvre d'art. D'où l'intérêt que les artistes de cette époque vont porter à l'anatomie, devenant ainsi les collaborateurs géniaux des savants.
En 1537, Vésale confie à son compatriote Calcar, élève de Titien, le soin d'illustrer la "Fabrica", ce qu'il fera remarquablement, contribuant ainsi largement à la diffusion et renommée de l'ouvrage.
Michel-Ange travaillera pour Colombo, dont Véronèse dessinera les frontispices de ses Traités, comme ceux de Vésale; le Primative, pour la "Chirurgia" du Guidi en 1544 exécutera de splendides dessins. Biens d'autres encore, Dürer, Titien, le Tintoret, Holbein, se penchèrent sur ce sujet.
Mais le plus grand fut "l'admirable et céleste" Léonard de Vinci, scientifique et artiste, aussi génial dans le maniement du scalpel que de la plume, s'intéressant à l'anatomie descriptive mais aussi fonctionnelle; aucun anatomiste de l'époque ne peut lui disputer le record d'avoir obtenu jusqu'à trente cadavres à disséquer par l'autorisation spéciale de Jules II que Léon X annulera par la suite.

En 1546, écœuré par la meute des galénistes irréductibles qui comptaient nombre d'anatomistes contemporains, il abandonne sa carrière de chercheur et de professeur, il brûle ses manuscrits et quitte Padoue pour devenir le premier médecin personnel de Charles Quint, rejoignant ainsi la longue tradition de service à l'Empire de sa famille. On le voit dès lors à Bâle, Ratisbonne, Bruxelles et Madrid où il compte parmi les premiers personnages de la Cour.
Il se marie l'année suivante avec une femme dont on ne sait rien, si ce n'est qu'elle fut la mère de son unique enfant. Il écrit des textes mineurs, accompagne Charles Quint dans ses voyages.

En 1556, le roi abdique, nomme Vésale comte palatin, au service de son fils Philippe II d'Espagne, réparant ainsi ce que le père de Vésale, fils naturel, n'avait pu obtenir.

Réformateur de l'enseignement, il fut aussi un thérapeute et un chirurgien, et ces qualités firent de lui un médecin au sens le plus complet du terme. Il est le premier à porter le diagnostic d'anévrysme de l'aorte.

C'est désormais un médecin prospère appelé au chevet des plus grands, comme en 1559 par exemple à celui d'Henri II, grièvement blessé à l'œil par Montgomery au cours d'un tournoi. Il fait à cette occasion la connaissance d' Ambroise Paré. Cette rencontre l'emplit de mélancolie. Les deux médecins n'hésitèrent pas à faire décapiter en hâte quelques prisonniers du Châtelet, et pendant quatre jours "anatomisèrent" leurs têtes "après les avoir blessées de la manière que le roi l'avait été".

Comme l'explique Chapelain, premier médecin du roi: "on cognait avec force le tronçon de lance contre les dites têtes pour essayer de reconstituer la royale blessure..." Peut-être la science bénéficia-t-elle quelque peu de cette expérience, mais le roi n'en fut pas sauvé pour autant puisqu'il mourut sans qu'aucun des deux chirurgiens n'aient osé tenter l'opération.

En 1563, après une vie de recherche, de combats, de polémiques, de voyages et de récompenses honorifiques, il quitte Madrid et la Cour d'Espagne, dans des circonstances qui restent indéterminées, pour faire avec l'accord du roi et l'appui du vénitien Malatesta un pèlerinage à Jérusalem. La Légende s'est longtemps répandue qu'il s'agissait d'un voyage expiatoire pour avoir disséqué un gentilhomme espagnol encore vivant, pour lequel il avait été accusé de meurtre et que sans l'intervention de Philippe II, cette accusation lui eût valu la condamnation à mort.

Au retour de Terre Sainte, le vaisseau qui le ramène vers l'Italie "mère de tous les génies" fait naufrage. Vésale meurt d'épuisement, quelque part le long de la côte grecque sur l'île de Zante, le deux octobre 1564. On ne saura jamais où il est enterré.

Vésale est le plus grand anatomiste de la Renaissance, l'un des premiers à pratiquer la dissection du corps humain, dont les observations permirent de corriger des notions erronées qui prévalaient depuis Galien.
Il annonce ainsi la naissance d'un nouveau concept qui sera déterminant pour l'évolution de la médecine et de la chirurgie: le corps humain, qui est aujourd'hui l'objet de nombreux débats éthiques et juridiques.