IMAGERIE DU FOIE
DOCTEUR LAURENT TAILBOUX
1 - PATHOLOGIE TUMORALE DU FOIE
1.1 - LES LESIONS FOCALES BENIGNES
Sont exclus de ce chapitre les kystes biliaires, lésions très fréquentes
qui sont en général reconnues facilement en échographie par leur
caractère hypo-échogène de type liquidien et leur hypodensité
franche en TDM.
1.1.1 - LES ANGIOMES HEPATIQUES
Très fréquents (4 à 7 %), multiples dans 10 % des cas, la plupart
moins de 3 cm, surtout au niveau des segments postérieurs du lobe
droit. Un angiome géant peut être symptomatique. Des complications hémorragiques
ou une rupture sont possibles dans ce cas mais rarissimes.
Echographie
Dans 80 %, aspect typique hyperéchogène, de contours bien réguliers,
sous capsulaire ou proche d'une veine sus hépatique.
Absence de halo hypo-échogène (+++). Plus gros, ils peuvent devenir hétérogène
(fibrose, nécrose, calcifications).
Scanner
En TDM, à partir de 15 à 20 mm, aspect typique avec une prise de
contraste en mottes irrégulières périphérique intensément
hyperdenses en général, suivi d'un remplissage centripète. Le
diagnostic d'un petit angiome est souvent plus délicat.
IRM
Aspect IRM caractéristique (hypersignal T2 de type liquidien). En cas
de doute, imagerie rapide après Gadolinium avec une sémiologie
analogue au scanner.
L'échographie suffit souvent pour le diagnostic d'un petit angiome à
partir de 15 mm. Devant une lésion plus petite et en cas de doute
diagnostic (antécédent néoplasique), réaliser une IRM. Devant un
gros angiome hétérogène, le diagnostic est confirmé soit par un
scanner, soit par 'IRM.
1.1.2 - L'HYPERPLASIE NODULAIRE FOCALE
C'est une lésion hépatique bénigne nodulaire constituée d'hépatocytes,
de cellules de Küppfer et de canaux biliaires centrés sur une région
fibreuse appelée cicatrice. Atteint souvent la femme jeune, ne se
complique pas en général. La lésion est souvent iso-échogène mais
l'aspect échographique est peu spécifique.
Scanner
Le scanner montre une lésion qui prend intensément le contraste en
phase artérielle et de façon fugace. Au centre la cicatrice,
lorsqu'elle est visible, est hypodense sur la phase artérielle, et se
remplit progressivement sur les phases les plus tardives.
IRM
L'exploration IRM est en général nécessaire. En effet l'enjeu thérapeutique
est majeur puisqu'il faut faire la différence entre HNF qui est une lésion
que l'on pourra se contenter de surveiller dans la plupart des cas et adénome
qui devra être opéré. Les critères du diagnostic doivent être tous
présents : homogénéité de la lésion sur l'ensemble des modes
d'imagerie (échographie, scanner et IRM), absence de capsule et de
calcification, prise de contraste intense et fugace en phase artérielle,
présence d'une cicatrice centrale devenant hyperdense sur les phases
tardives après injection et en hypersignal en pondération T2, normalité
du bilan biologique hépatique. En cas de doute diagnostic, proposer une
biopsie large par voie chirurgicale, une simple biopsie écho guidée n'étant
pas toujours décisive. Second diagnostic différentiel difficile : le
CHC fibrolamellaire.
1.1.3 - L'ADENOME
Tumeur bénigne rare, surtout rencontrée chez la femme d'âge moyen
sous oestroprogestatifs ou dans certaines circonstances (glycogénose,
androgénothérapie). Risque évolutif : hémorragie, dégénérescence.
Echographie- TDM
L'aspect échographique est peu spécifique.
En cas de petite taille, l'aspect est proche d'une HNF (mais sans
cicatrice en général).
Plus volumineux, l'adénome devient souvent hétérogène (hémorragie,
nécrose) avec un aspect qui est difficile à différencier d'un
carcinome hépato-cellulaire.
IRM
L'IRM peut montrer des aspects évocateurs : capsule, hypersignal T1 modéré
(graisse), hypersignal T2 en rapport avec les remaniements lésionnels
(sang, névrose).
En cas de doute diagnostic avec une HNF, opter pour un prélèvement
chirurgical.
1.1.4 - LE CYSTADENOME BENIN
Très rare, très proche du kyste biliaire, souvent femme d'âge moyen.
Aspect multi-loculé et cloisonné avec possibles végétations
endokystiques. Traitement chirurgical en raison du risque de
transformation en cystadénocarcinome.
1.1.5 - LESIONS GRAISSEUSES
Le lipome
Masse arrondie homogène, hyperéchogène (graisse).
En TDM, densité négative (- 50 UH).
En IRM, hypersignal T1 en IRM.
Les angiomyolipomes
Souvent petits et multiples.
Coexistence de densités graisseuses et d'un rehaussement après
injection.
1.2 - LES LESIONS FOCALES MALIGNES
1.2.1 - LE CARCINOME HEPATO-CELLULAIRE OU HEPATOCARCINOME.
Survient en règle sur foie pathologique (hépatite B ou C), cirrhose de
même origine ou alcoolique, hémochromatose.
Nécessité d'un diagnostic précoce (échographie et TDM régulières
sur ce terrain exposé).
Le point difficile est le diagnostic de nature d'une lésion focale sur
un foie cirrhotique. quatre hypothèses sont à envisager alors :
- nodule de régénération,
- hyperplasie adénomateuse bénigne ou limite (bien ou peu différenciée),
- hépato-carcinome classique.
Ces deux derniers cas sont les plus fréquents.
L'aspect échographique n'est pas spécifique. Petits, ils sont souvent
hypo-échogènes toutefois.
Les formes infiltrantes sont difficiles à diagnostiquer sur ces foies
souvent hétérogènes. Il faut rechercher une dilatation des voies
biliaires ou une extension tumorale aux structures vasculaires sus hépatiques
et surtout portales (intérêt du doppler couleur).
L'analyse de ces lésions en scanner est souvent plus facile : lésion
parfois hyperdense après injection (phase artérielle), hypodense en
phase portale, parfois capsule périphérique en phase tardive.
En IRM, hyposignal T1, hypersignal T2, parfois hypersignal T1 (surcharge
en graisse ou en cuivre) avec pseudo capsule en hyposignal T1 et T2.
1.2.2 - CARCINOME FIBROLAMELLAIRE
Hépatocarcinome survenant chez des sujets jeunes et sur foie sain avec
un taux normal ou peu élevé d'alphafoeto-protéïnes. Peut ressembler
à une HNF (++). Toute dilatation des voies biliaires doit alors être
considérée comme suspecte. L'aspect cependant ressemble souvent à un
CHC classique.
1.2.3 - LE CHOLANGIOCARCINOME INTRA-HEPATIQUE OU CARCINOME
CHOLAN-GIOLAIRE OU CANCER DES PETITES VOIES BILIAIRES INTRA-HEPATIQUES
Superposable au CHC dans 90 % des cas, mais beaucoup moins fréquent. Ne
survient pas sur foie cirrhotique. Alphafoetoprotéïnes normales mais
souvent choléstase. Dilatation des VBIH assez fréquente (20 à 50 %).
La lésion est souvent hypodense spontanément et après injection iodée
en phase artérielle, avec une lésion parenchymateuse mal limitée et hétérogène
dont la prise de contraste est variable en phase portale. Une ponction
biopsie est en général nécessaire pour faire le diagnostic définitif.
Il n'existe en général pas d'extension veineuse portale ou de fistule
artério-veineuse, contrairement au CHC.
1.2.4 - POUR MEMOIRE, LESIONS PLUS RARES
Cystadénocarcinome, angiosarcome, hémangio-endothéliome épithélioïde.
1.2.5 - LES METASTASES HEPATIQUES
L'imagerie apporte des éléments majeurs pour le diagnostic de nature
et le pronostic d'opérabilité des lésions qui est fonction de leurs
localisations et de leurs rapports vasculaires.
L'échographie est très sensible pour les lésions supérieures à 2
cm. L'aspect échographique est variable : lésion focale souvent hyperéchogène
avec halo hypo-échogène périphérique. Hypo-échogène : 20 % des
cas, mixte en cocarde : 20 % des cas. Peuvent exister des formes
particulières : métastase kystique, calcifiée, métastase
hypervasculaire (diagnostic différentiel avec angiome), formes
infiltrantes, métastases lymphatiques. La sensibilité du scanner est
supérieur à 90 % pour ces lésions (toutes tailles confondues).
En IRM, ces lésions sont en hyposignal T1, hypersignal T2 de façon
variable en fonction de leurs modifications structurelles (nécrose, hémorragie).
Possible hypersignal T2 pseudo-angiomateux trompeur avec une prise de
contraste en général différente toutefois. Intérêt également avant
éventuelle chirurgie.
1.2.6 - LOCALISATIONS HEPATIQUES DES HEMOPATHIES
Lésions nodulaires mimant souvent des métastases, voir un CHC ou des
micro-abcès à candida lorsqu'ils sont petits et disséminés.
Rechercher une atteinte splénique et parfois rénale. Possible couronne
périphérique comme dans un abcès.
2 - PATHOLOGIE NON TUMORALE DU FOIE
2.1 - FOIE INFECTIEUX
Abcès hépatique
L'échographie montre une ou des lésions de taille, de forme et d'échostructure
variable en fonction du stade évolutif. Au stade précoce, Il existe
souvent une plage mal limitée hétérogène, de forme arrondie ou
ovalaire, prédominant dans le lobe droit . L'échostructure peut varier
dans le temps, ceci étant un élément majeur du diagnostic, de très
échogène vers une lésion pseudo-kystique lorsqu'il existe une
collection purulente constituée. Les lésions peuvent être uniques ou
multiples.
En TDM également l'aspect devient plus typique au stade collecté où
il existe une formation hypodense avec une prise de contraste souvent
annulaire. Existence parfois de bulles (anaérobie).
Une IRM, si elle est réalisée, peut montrer une lésion de contenu
liquidien (hypersignal T2) avec une coque qui fixe le Gadolinium. La
ponction guidée à visée diagnostique et bactériologique s'impose le
plus rapidement possible. Souvent, tableau clinique décapité par une
antibiothérapie préalable devant inciter à recourir rapidement à une
ponction. Les germes les plus fréquents sont : E. Coli, protéus,
pseudomonas, staphylocoque, bactéroïde, fusobactérium.
Autres causes d'abcès : amibiase hépatique, abcès multiples et de
petite taille de l'immuno-déprimé.
Parasitose : kyste hydatique du foie, échinococcose alvéolaire,
distomatose, bilharziose.
Tuberculose, mycobactéries atypiques.
Hépatite infectieuse : souvent aucune manifestation en imagerie.
Parfois, trop bonne visibilité des parois portales dans les formes aiguës.
2.2 - FOIE VASCULAIRE
2.2.1 - AFFECTIONS CONGESTIVES DU FOIE
* Foie cardiaque : Hépatomégalie douloureuse, ascite. Dilatation de la
veine cave inférieure et des veines sus hépatiques. Prise de contraste
hétérogène en mosaïque du foie proche du Budd-chiari.
* Syndrome de Budd-chiari : secondaire à un obstacle sur les grosses
veines sus hépatiques ou au niveau du segment terminal de la VCI (par
thrombus crurorique, envahissement tumoral, compression extrinsèque ou
malformation de la VCI). Mise en évidence en imagerie d'un obstacle
cavo-sus-hépatique, en général par des signes indirects : distension
vasculaire d'amont, circulation collatérale de suppléance intra-hépatique.
En plus de l'ascite on note souvent une hypertrophie du segment I et des
atteintes variables du reste du foie (hypertrophie si récent, atrophie
si ancien). Intérêt du doppler couleur. En TDM, mauvaise
parenchymographie hépatique en périphérie. Souvent thrombose porte
associée. L'IRM objective bien les lumières vasculaires sans la nécessité
d'injecter un produit de contraste.
* Maladie veino-occlusive : rare, facteurs favorisants : irradiation hépatique,
chimiothérapie, immuno-suppresseurs, les deux chez les greffés de
moelle osseuse. Tableau clinique et aspect TDM identiques au Budd-chiari
mais pas d'obstacle tumoral ou cruorique identifiable. Normalité du
doppler ++
2.2.2 - AUTRES
* Maladie de Rendu Osler : atteinte hépatique = 30 % des cas.
Dilatation de l'artère hépatique, hyper-échogénécité du
parenchyme, veines sus hépatiques dilatées avec un flux accéléré.
Possibles nodules avec images centrales fibreuses de type HNF.
* Fistule artério-portale (tumorale, traumatique, cirrhose, Rendu
Osler\x{2026}).
* Infarctus hépatique soit par atteinte artérielle sévère, soit
surtout en cas de lésions associées artérielle et portale.
* Anévrisme et faux-anévrisme de l'artère hépatique.
2.3 - HEPATOPATHIES METABOLIQUES
2.3.1 - STEATOSE HEPATIQUE
Accumulation de graisse au sein des hépatocytes. C'est la manifestation
la plus précoce de la maladie alcoolique du foie. Hyper-échogénécité
globale du parenchyme parfois partielle, parfois aspect pseudo-tumoral.
Modifie la sémiologie échographique des tumeurs ++. Hypodensités du
parenchyme en TDM de façon spontanément visible sans contraste.
Toujours comparer à la densité de la rate qui doit être analogue.
L'IRM peut être d'un certain apport diagnostic grâce à des séquences
in et out of phase.
2.3.2 - CIRRHOSE HEPATIQUE
Association d'une fibrose mutilante désorganisant l'architecture
lobulaire et de nodules de régénération. Représente le stade
terminal de nombreuses hépatopathies chroniques. Prend des aspects
morphologiques macro et microscopiques variés. S'accompagne d'une
hypertension portale (doppler ++). Risque de greffe hépatocarcinomateuse
(10 à 15 % si origine alcoolique, 15 à 20 % sur hémochromatose, 70 à
80 % si d'origine hépatitique B ou C).
Altération des contours du foie dans les formes macronodulaires avec
modification morphologique (atropho-hypertropie dans les formes évoluées
: augmentation de taille du segment I et du lobe gauche, atrophie du
lobe droit et du IV. La recherche d'une hypertension portale se fait en
première intention en doppler à la recherche d'anastomoses porto-systémiques
: reperméabilisation de la veine ombilicale, dilatation de la veine
gastrique gauche, shunt spléno-rénal, augmentation de calibre de la
veine rénale\x{2026}).
Diagnostic différentiel entre les macronodules de régénération, les
nodules adénomateux hyperplasiques et le CHC. : typiquement hyposignal
T2 du nodule adénomateux, hypersignal T2 du CHC. Toute prise de
contraste nodulaire doit être considérée comme suspecte.
L'hyperplasie nodulaire régénérative est une entité différente, liée
à une transformation nodulaire du parenchyme, sans fibrose, responsable
d'une hypertension portale. Diagnostic sur la biopsie en présence de
terrain prédisposant (insuffisance cardiaque, syndrome myélo ou
lymphoprolifératif, transplantation rénale\x{2026}).
L'hypertension portale : On distingue des causes infra-hépatiques
(thrombose portale, compression extrinsèque portale, envahissement
tumoral portal), des causes intra-hépatiques (cirrhose +++, maladie
veino-occlusive\x{2026}), des causes supra-hépatiques (thrombose ou
envahissement tumoral des veines sus hépatiques et des hypertensions
portales plus rares par hyperdébit (Rendu Osler, fistule hépatico-portale\x{2026}).
L'écho doppler est l'examen de base pour mettre en évidence les
anastomoses porto-caves. Celles-ci sont également mises en évidence en
TDM.
Les thromboses portes ou cruoriques :
Moins fréquentes que l'envahissement par bourgeon néoplasique. Causes
multiples : chirurgie abdominale, traumatisme, infection digestive,
maladie hématologique, cirrhose, Budd-Chiari, compression extrinsèque.
2.4 - TRAUMATISMES DU FOIE
Les contusions fermées sont les plus fréquentes, survenant lors de
traumatisme violent. L'examen clinique fait souvent défaut et le
diagnostic dépend essentiellement de l'imagerie (TDM ++). Il peut
s'agir de lésions parenchymateuses (éclatement, fracture, simple
fissuration), de lésion vasculaires (hématome intra-parenchymateux,
sous capsulaire, hémopéritoine, plaie vasculaire) ou de lésion
biliaire. L'échographie peut montrer un hémopéritoine ainsi que des lésions
parenchymateuses mais moins facilement qu'en TDM. Penser aux lésions
associées. Dans les suites, participe à la surveillance : d'un hématome,
d'un bilome, apparition d'un abcès ? La TDM est la meilleure méthode
d'évaluation. On peut également chercher des lésions associées ++
(pancréas, tube digestif, rate). Une artériographie peut être réalisée
en urgence pour préciser les lésions artérielles, une éventuelle
fistule mais peut méconnaître des plaies veineuses parfois grave
notamment sus-hépatico-cave. Dans les suites, elle est indiquée en cas
d'hémobilie. Parfois, dans le même temps, sera réalisée une
embolisation.
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