Depuis Laennec, l’accélération des progrès de la médecine en France est prodigieuse, le nombre de savants qui apportent chaque jour une pierre nouvelle à l’édifice scientifique est grand, Armand Trousseau est une de ces personnalités prestigieuses.
Armand Trousseau est né le 14 octobre 1801 à Tours, il est très
        jeune orphelin de son père. Enfant il bénéficie d’une bourse pour
        faire ses études secondaires au lycée d’Orléans puis à celui de
        Lyon. Ensuite il est répétiteur au collège de Blois, doté d’une
        bonne culture classique il est quelque temps professeur de rhétorique
        à Châteauroux.
        Trousseau change d’orientation et commence ses études de médecine à
        Tours où il est l’élève admiratif et reconnaissant de Bretonneau
        dont il sera le fils spirituel ( il ne publiera ses "Cliniques"
        qu’après que son maître les ait approuvées).
        Agrégé de la Faculté de Médecine de Paris en 1827, Médecin des Hôpitaux
        en 1830 il a d’abord un poste d’assistant de Récamier.
Trousseau ne sera pas un esprit créateur, mais un professeur remarquable, qui passera sa vie à vulgariser et à préciser les idées et les méthodes de ses maîtres Bretonneau et Récamier.
Au lendemain de l'épidémie de choléra qui frappa Paris en mars 1832, Trousseau se plaignait, dans une lettre à Bretonneau: "Savez-vous bien que c'est une effroyable maladie. Nous avons eu de 12.000 à 14.000 morts les 10, 11 et 12 avril; les journaux ne pouvaient pas dire la vérité, c'eût été affreux. Mais dans nos hôpitaux, c'était désespérant: j'ai eu à l'Hôtel-Dieu un lit dans lequel quatre malades sont successivement morts dans l'espace de sept heures..."
Il partage les idées de Bretonneau sur la diphtérie et la typhoïde,
        sur la notion de la spécificité et sur la contagion par germes.
        Il fut aussi un adepte de la trachéotomie, qui n’entra dans la
        pratique parisienne , grâce à Trousseau qui l’exécuta lui-même que
        vers 1837. "Encore une petite fille de
        quatre ans sauvée: c'est ma 130 ème opération en tout, ma 120 ème
        pour le croup; c'est ma 29 ème guérison. C'est à vous que tout cela
        appartient... Pour fermer la plaie, le procédé est joli: deux morceaux
        de taffetas d'Angleterre, de cette largeur et de cette grandeur; à
        l'une des extrémités une sorte d'agrafe."
        En 1839 il accède à la Chaire de Thérapeutique.
En 1848 il est élu député de l’Eure et Loir.
        En 1852 il est titulaire de la Chaire de Clinique Médicale à l’Hôtel-Dieu
        où il est un un des plus brillants professeur de son époque. Sa
        prestance, son élégance, le timbre et la sonorité de sa voix, le
        rythme de sa phrase, l’élégance de sa diction, et son éloquence de
        grand orateur, sa culture d’humaniste qui aimait à émailler ses leçons
        de citations littéraires, captivaient et éblouissaient la foule de ses
        auditeurs français et étrangers.
        Par son talent didactique exceptionnel, il sut convaincre ses nombreux
        élèves dont il fut un directeur de conscience averti.
        
Ses dons d’extériorisation devaient servir Trousseau dans sa pratique hospitalière et de ville. Sa renommée avait vite débordé le cadre de la Faculté. Son visage noble et calme, encadré de favoris touffus, à la mode à l’époque, son allure un peu solennelle, sa courtoisie, ses attitudes réservées et attentives, l’autorité sereine et la distinction, tout en lui inspirait la confiance. Il reçut des malades du monde entier: il sut être le médecin que chacun réclame, celui dont la compétence, le calme, la conscience, l’autorité morale et intellectuelle ainsi que la distinction dessinèrent le portrait du praticien idéal, du grand consultant à qui les malades confient leurs derniers espoirs et que ses confrères sollicitaient pour un conseil. Émule estimé de ces derniers pour son objectivité et l’application qu’il déploiera toujours à reconnaître et diffuser les idées d’autrui: son admiration pour Bretonneau dont il se considérait comme un fils spirituel, pour les travaux de Laennec, l’intuition qu’il eut des découvertes de Pasteur.
Dans son service, son élève Guillaume Duchenne dit de Boulogne
        (1806-1875), commence à s’intéresser aux malades présentant des
        symptômes paralytiques dont il entreprend une description des moindre
        signes résultant de l’atteinte des plus petits faisceaux musculaires
        et nerveux
        En 1856 il est Membre de l’Académie de Médecine.
Son "Traité de Thérapeutique", préparé
        avec Pidoux, sera édité trente fois.
        Entre 1857 et 1861 il publie “Les Cliniques médicales de l’Hôtel-Dieu”
        en trois volumes.
        Si Trousseau fut pour le public de l’époque un grand praticien ouvert
        aux techniques modernes, promoteur de la trachéotomie, des ponctions de
        plèvre, autant de méthodes jugées miraculeuses par les malades qui
        connaissaient l’issue jusque là fatale de la diphtérie et de la
        pleurésie, il reste avant tout pour l’historien de la médecine
        l’auteur des “Cliniques.”
        Publiées en trois volumes, complétées plus tard par son élève
        Michel Peter, les leçons les plus célèbres font le point sur la diphtérie,
        le croup, la trachéotomie, l’asthme, sur les fièvres éruptives, le
        goitre exophtalmique, la tétanie (signe de Trousseau), l’adénie, la
        maladie de Basedow, l’aphasie.
        Pierre Ménétrier (1859-1935) leur garde toute son admiration, même
        s’il en constate aussi les insuffisances:
         "Les Cliniques médicales de l’Hôtel-Dieu”,
        constituent le plus magnifique traité de médecine qui ait paru en
        langue française. Elles ont fait l’éducation des générations médicales
        qui nous ont précédés, et même de la nôtre. Et pourtant, à les
        relire aujourd’hui on peut mesurer facilement l’énorme changement
        produit dans notre science par les découvertes pastoriennes. Évidemment
        les types cliniques si admirablement décrits par Trousseau sont demeurés
        invariables; mais la pathologie, surtout la pathologie infectieuse,
        n’est plus la même; il semble que nous ne parlions plus la même
        langue ou du moins les mêmes mots n’ont plus la même
        signification."
Toutes ses leçons sans exception étaient des modèles de clarté et
        de précision, aussi ont-elles instruit des générations d’étudiants
        et seront même rééditées jusqu’en 1931. Armand Trousseau reste
        connu pour avoir été l’inventeur de la thoracenthèse dans les pleurésies
        avec épanchement, dont le procédé sera perfectionner par le
        professeur Dieulafoy qui lui aussi portera très loin le renom de la
        clinique française.
        Pendant vingt ans , Trousseau fut le grand consultant que l’on appelle
        dans les cas désespérés. Il connut tous les milieux et de toutes
        parts (parisiens, provinciaux et étrangers), montèrent vers lui la
        reconnaissance et l’admiration.
Les Goncourt relatent que le bruit de la maladie de Trousseau s’étant
        répandu, une mère arriva dans son service en s’écriant: "on
        dit que vous allez mourir, que va devenir mon enfant?"
        Trousseau fit un signe aimable et lui donna de longues recommandations.
        "Je suis perdu, une phlébite qui vient de se
        déclarer cette nuit ne me laisse plus aucun doute sur la nature de mon
        mal." déclara-t-il à son élève M. Peter. Le destin lui
        permettait de vérifier ainsi la justesse d’une observation qu’il
        avait faite autrefois sur les rapports de certaines phlébites et du
        cancer gastrique.
En 1867, Trousseau mourût en effet quelques temps plus tard, ayant suivi en clinicien l’évolution d’un cancer de l’estomac dont il avait fait le diagnostic six mois auparavant.
"Trousseau a si parfaitement
        incarné le type même du clinicien français au milieu de XIX ème siècle
        que sa figure a pris valeur de symbole devant ses contemporains et
        devant l’Histoire."
        M. Bariéty et Ch. Coury
      


